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Conférence 4 de Thom Bond, commentaires sur les cours des semaines 13 à 16 (10 octobre 2022)
Re-transcription par Thomas. C’est un résumé des principales idées que j’ai retenues de cette conférence passionnante. J’espère que cela vous intéressera aussi !
Témoignages
Témoignage : lorsqu’on met en pratique la CNV, les gens autour de nous se sentent écoutés, et viennent plus souvent nous parler.
Thom : oui, et je considère d’un certain côté que c’est le « risque du métier », car alors on se retrouve à connaître dans les moindres détails la vie de son concierge, même si ça ne nous intéresse pas vraiment !
Témoignage : lorsqu’on pratique la CNV, on peut parfois sentir de la frustration et de la douleur à vivre dans un monde qui ignore largement cette pratique.
Thom : c’est une des raisons qui m’a poussé à vouloir créer et susciter des communautés où les praticiens peuvent se retrouver et recharger notre réservoir d’empathie. Nous sommes comme une voiture, qui a besoin d’empathie comme carburant : il faut remplir son réservoir d’empathie. Sinon on risque d’aller dans des espaces négatifs. C’est pourquoi c’est important de recevoir de l’empathie, par exemple avec un copain d’empathie, pas seulement d’en donner. L’auto-empathie aussi est utile, et disponible à tout moment, si nous le choisissons. C’est une question d’hygiène quotidienne, comme de se brosser les dents tous les jours.
Témoignage : je trouve que la colère est une émotion difficile !
Thom : il est parfois même difficile de se rendre compte que l’on est en colère. Mais c’est utile de l’identifier, car elle joue un rôle d’alerte, qui nous permet de nous rendre compte que nos besoins ne sont pas satisfaits.
Témoignage : je me dis souvent : « je devrais apprécier plus ma vie ».
Thom : c’est effectivement important de célébrer tout ce qui est bon dans sa vie. Mais c’est très rare que tout soit parfait. Il y a aussi des choses difficiles, et nous avons besoin aussi de nous en occuper, par l’empathie, par le deuil. Par exemple, la pandémie a affecté le monde entier de manière très profonde : pourtant même moi, j’ai du mal à me rendre compte que j’ai été affecté, que j’ai besoin de panser mes blessures. Ce n’est pas l’un ou l’autre, célébration ou compassion, c’est les deux à la fois, en permanence.
Les commentaires de Thom sur les cours 13 à 16 :
Thom : je vais vous parler de comment travailler avec ses besoins et ses émotions, ainsi que des demandes, une fois qu’on a commencé à avoir une certaine conscience de ceux-ci. Je vais parler des « superpouvoirs » que nous donne la CNV, et comment apprendre à les utiliser, car au début c’est difficile à manier. Apprendre à dire non et à entendre non. Comment passer de la culpabilité du non au soulagement du non. Comment prendre des meilleures décisions grâce à la CNV.
Semaine 13 : les demandes
Thom : une fois que l’on commence à mieux avoir conscience de soi-même et des autres, les demandes permettent de changer les choses. Mais il y a des aspects techniques qui permettent de mieux faire des demandes.
D’abord, on doit demander quelque chose de possible pour l’autre. En particulier, la demande doit être positive : demander de ne pas faire quelque chose ne permet pas de savoir ce qu’on voudrait vraiment. Autre exemple, en disant « stop », on demande à l’autre d’arrêter de chercher à remplir un besoin, puisque tout ce que l’on fait a pour but de remplir un besoin : dire stop crée donc un problème. Ce n’est pas toujours facile, car c’est souvent facile d’identifier ce qui ne nous convient pas, mais cela nécessite beaucoup d’auto-empathie d’aller plus loin pour trouver ce qui nous conviendrait mieux.
La demande doit aussi être claire et précise. Sinon, la demande risque de ne pas être comprise, voire d’être mal interprétée.
Une autre chose très importante est de se rendre compte que les gens n’entendent pas toujours vraiment ce qu’on leur dit. Une bonne demande permet aussi de s’assurer si on a été entendu ou pas. Et donc, quand quelqu’un vous dit : « tu peux répéter ? », même si au début cela peut agacer, au moins cela montre qu’à ce moment-là, la personne écoute vraiment, ce qui très précieux.
L’une des choses les plus difficiles, lorsqu’on fait une demande, est d’être prêt à entendre un « non ». On peut se souvenir qu’un non est un oui : un oui à ses besoins. On peut aussi se souvenir qu’une demande particulière n’est qu’une des 10000 façons de répondre à un besoin. Un « non » à une demande n’est pas un « non » au besoin, car il reste 9999 façons encore à explorer. Enfin, on peut se rappeler que pour qu’une connexion soit authentique, il faut qu’elle soit souhaitée par les deux parties : il est donc essentiel de laisser le choix à l’autre, et de l’accepter.
Mettre en œuvre tous ces principes permet de vivre dans un monde où il est possible pour chacun de ne faire quelque chose que s’il le souhaite vraiment, réduisant le risque de rancune et de conflit.
Semaine 14 : l’auto-empathie.
Thom : l’auto-empathie consiste à être son meilleur ami. Elle donne la capacité notamment de transformer nos jugements en opportunités de mieux se comprendre. Les jugements font partie de nous, comme tout être humain. On ne peut pas les faire disparaître, mais on peut mieux vivre avec. Cela commence souvent par des sensations physiques, par des émotions ou en remarquant des mots particuliers : égoïste, crétin, taré… on peut alors se demander « qu’est ce qui est là ? » pour trouver les besoins qui sont derrière, et qui ont besoin d’attention.
Nous avons toujours des émotions en nous. Même quand on ne s’en rend pas compte, ou que l’on a l’impression de ne pas en avoir, cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas là. Nos émotions sont des amis qui nous aident à connaître nos besoins.
Nous avons souvent du mal à nous connecter à nos besoins, d’autant que cela est souvent perçu de manière négative : être égoïste, faible, en manque, pleurnicheur… Il est bon de pouvoir dépasser ces croyances, car les besoins sont seulement l’expression de la vie. Ainsi, s’accorder à ses besoins permet de vivre pleinement.
Semaine 15 : améliorer la qualité des relations.
Thom : ce cours consiste à mettre en pratique les enseignements dans sa vie, notamment pour avoir de meilleures conversations, avec plus de conscience. Pour cela, je vous propose de passer d’une logique où l’on estime que l’on est responsable à 50%, à une logique où on se met à 100% responsable. Pourquoi ? Parce que c’est beaucoup plus facile que d’attendre et d’espérer que l’autre va employer ses 50% de responsabilité dans le sens qui nous convient !
L’étape préliminaire est de s’assurer que l’autre a, vraiment, envie de parler. C’est essentiel de s’en assurer en posant la question honnêtement, et en étant prêt à accepter un « non ». Or évidemment, quand on souhaite ce genre de conversation, cela peut être vraiment dur d’accepter un non ! Mon conseil est alors de se préparer, en réfléchissant à l’avance comment on pourrait réagir en face d’un non. Dans mon exemple où je souhaite parler à son fils, qui ne veut pas, j’ai dû aller au-delà des réponses classiques pour un parent : forcer, menacer, punir…
Mais peu importe l’âge, tous les êtres humains ont les mêmes besoins, et les principes de la CNV s’appliquent de la même façon. Bien sûr, cela est différent lorsqu’on aborde la question de la force utilisée pour protéger, par exemple quand un enfant se met en danger, sans en être conscient.
On peut distinguer 4 étapes :
– 1 : je connais et je peux expliquer quels sont mes émotions et besoins
– 2 : l’autre connait et peut expliquer quels sont mes émotions et besoins
– 3 : l’autre connait et peut expliquer quels sont ses émotions et besoins
– 4 : je connais et je peux expliquer quels sont ses émotions et besoins
Quand ce niveau de connexion est atteint, dans mon expérience, il a toujours été possible de trouver des solutions aux problèmes rencontrés.
Etape 1 : ici on est au cœur de l’auto-empathie : se connecter à ses besoins.
Etape 2 : ici, il est bon d’être attentif à la façon dont on demande à l’autre de nous dire ce qu’il a compris. Car cela peut être ressenti comme un « test » ! Il est donc important d’expliquer que cette étape permet de s’assurer que l’autre nous a vraiment bien compris, ce qui ne va pas du tout de soi. Cela permet que la discussion se fasse sur une base solide !
Etape 3 : « maintenant que je sais que tu m’as compris, comment tu vois les choses de ton côté ? ». Bien sûr, il y a un risque que l’autre ne dise pas vraiment ce qu’il pense. Mais l’expérience montre que lorsqu’on s’est bien préparé, on aborde cette question en étant authentiquement intéressé par le point de vue de l’autre, l’autre le sent et cela l’encourage à être lui-même authentique.
Etape 4 : on termine en s’assurant d’avoir bien compris l’autre : « pour être vraiment sûr de t’avoir bien compris, est-ce que je peux te dire ce que j’ai compris ? »
C’est un exemple de comment on peut prendre 100% de la responsabilité de la conversation, en créant le cadre. Bien sûr, il ne s’agit pas de répondre à la place de l’autre. Cela permet d’utiliser la CNV même quand on parle à des personnes qui ne la pratiquent pas, c’est-à-dire la plupart du monde !
A chaque étape, on s’assure que chacun a bien compris ce qui se passait pour l’autre, et partage ce qui se passe pour lui. Cela semble très mécanique, je le vis plus comme un moment « sacré », car on construit quelque chose de très beau. C’est très puissant.
Semaine 16 : dire non.
Thom : créer des limites pour soi : ce que je ne veux pas faire. On crée des limites seulement pour soi. Créer des limites aux autres revient à poser des exigences à l’autre, ce qui est très différent.
Créer des limites revient à dire ce qui ne nous convient pas, qui n’est pas nous. Et on l’accompagne d’explications : cela ne remplirait pas mon besoin d’efficacité, d’intégrité… L’explication du non est un don, le don du besoin qui est important pour moi, et cela peut créer de la connexion. Cela ne marche pas toujours du premier coup. Souvent la première réaction est du style « tu ne penses qu’à toi… » mais ensuite cela chemine dans la tête et les gens comprennent. Pour quelqu’un qui n’a pas été habitué, c’est souvent difficile d’entendre un « non » !
Il important de créer une limite claire : ne pas poser de question, ne pas dire par exemple « si c’est ok pour toi ». C’est possible quand on est clair avec nos besoins, centré : à ce moment-là on ne doute pas. L’important ici est d’être celui qu’on est vraiment.
Ce n’est pas facile. Je me pose souvent la question de l’énergie qu’il y a derrière une demande qu’il pourrait faire. Parfois, c’est très fort, et je me dis que j’ai vraiment besoin de beaucoup d’empathie et de faire cette demande. Parfois, c’est moins fort, et je peux juste la laisser exister comme cela.
Questions :
Question : comment faire quand on met en place la méthode en 4 étapes de la semaine 15, mais que l’autre ne nous comprend pas, et qu’on re essaie plus fois, sans succès ?
Thom : cela peut arriver souvent dans les cas où les gens ont accepté à contre-cœur, et ne veulent pas vraiment écouter. Cela arrive. Dans ce cas, on peut juste dire : « OK, ça ne marche pas vraiment aujourd’hui, on peut réessayer ça une autre fois ». C’est dur, bien sûr, mais se lancer dans ce type de conversation implique d’être prêt à recevoir un non. Accueillir un non peut aussi amener l’autre à comprendre le type de relation qu’il est possible de créer.
Question : lorsque l’autre dit « non », on peut demander ce qu’il y a derrière ?
Thom : oui, effectivement, on n’est pas obligé d’abandonner tout de suite. Cela peut sembler bizarre, car l’autre a dit qu’il ne voulait pas parler. Mais demander ce qu’il y a derrière crée quelque chose de nouveau.
Question : comment faire si l’autre continue à dire non, alors que pour nous c’est très important ?
Thom : je pourrais dire par exemple : « OK, je comprends que tu ne veux pas avoir cette conversation. Cela m’aiderait de savoir pour quelle raison. » Bien sûr, il est toujours possible d’avoir un deuxième « non » : dans ce cas, rien d’autre à faire que laisser l’autre tranquille, sinon cela ne crée pas l’espace que vous voulez.
Question : dans ce cas, est-ce qu’on repose la question plus tard ?
Thom : entendre un « non » ne veut pas dire de laisser tomber ses besoins. Il est peut-être possible de trouver une autre stratégie. Sinon, il est toujours possible de dire ses besoins, même sans conversation.
Question : comment faire quand on met en place la méthode des 4 étapes, mais que l’autre ne « joue pas vraiment le jeu », par exemple s’il me juge pendant tout l’échange ? Je voudrais avoir cette conversation, mais je ne veux plus être dans cette situation !
Thom : moi, je pourrais dire : « écoute, ta proposition de refaire cette conversation me fait beaucoup réagir à l’intérieur. Parce que quand tu me dis ceci, cela ne correspond pas à ce que je voudrais échanger avec toi. » Dans ce cas, cela peut aider beaucoup de donner de l’empathie à l’autre. Ce n’est pas facile, et je me prépare à l’avance en remplissant mes réservoirs d’empathie au maximum, pour pouvoir tenir le coup. Dans votre cas, quelle était l’attaque ?
C’était « tu es une victime », lorsque j’exprimais mes souffrances. Je ne me suis pas sentie comprise, et j’ai même essayé de m’excuser, mais cela n’a pas marché non plus.
Thom : oui, s’excuser quand on n’a rien fait de mal, cela ne marche pas bien en général. Je pourrais répondre dans ce cas : « je comprends que tu penses que je suis une victime. Et j’imagine que peut-être tu veux m’aider. Ce n’est pas ce que je recherche, j’aimerais juste que tu me dises ce que tu comprends de mes paroles, parce que je pense vraiment que cela pourrait nous aider dans notre relation, si tu le souhaites. »
Question : normalement, je ne sens pas la colère, mais là oui. J’essaie de la contenir. Comment faire ?
Thom : en se posant la question : « qu’est ce qui est là » ? Avec la colère, la réponse est 2 choses : mes besoins non remplis, et la façon à laquelle j’y pense (cela ne devrait pas être comme ça !).
Question : une de mes relations a été arrêtée par l’autre, selon des raisons qui n’ont rien avoir avec moi. Je sais, intellectuellement, que cela ne devrait pas affecter mon estime de moi, mais cela n’est pas le cas.
Thom : nous avons tous des petites voix qui disent « je ne suis pas assez », « je n’ai pas de valeur » … Dans ce cas, j’ai une conversation avec ces petites voix, et je leur donne de l’empathie. Je ne leur donne pas plus d’importance que cela, mais j’en prends soin. Je leur donne une voix. Même si on peut réagir d’abord en disant « je ne voudrais pas que cette petite voix soit là » : elle est là, elle ne va pas partir, elle a besoin qu’on prenne soin d’elle. Cela m’aide en général à être mieux centré, à mieux comprendre mes besoins, que je n’avais pas forcément identifié avant. Il n’y a pas besoin que l’autre soit là pour faire cela.
Question : comment construire de la confiance avec quelqu’un ?
Thom : on ne peut pas obliger quelqu’un à avoir confiance. On peut cependant discuter de la confiance, pour mieux comprendre ce qui est important pour l’autre par rapport à ça.
Question : comment construire une relation plus profonde avec quelqu’un ?
Thom : on peut déjà commencer en écoutant différemment, avec empathie. On ne peut pas changer le monde en un instant. On peut aller vers l’autre, là où il est.
Question : je trouve que les histoires qu’on se raconte collectivement nous empêchent d’agir comme je le voudrais, par exemple concernant le changement climatique. J’essaie d’utiliser pour cela la CNV avec mes étudiants, mais cela ne marche pas toujours. Comment faire ?
Thom : je comprends. Moi par exemple, j’aimerais que la CNV soit plus utilisée. Ce que j’ai appris est que si quelqu’un est dans un de mes ateliers sans le vouloir vraiment, c’est horrible, aussi bien pour lui que pour les autres. On peut proposer, mais ne pas forcer les gens.
Question : cela peut aider, pour des discussions difficiles, de poser un cadre, par exemple dire qu’on ne parle que de soi, et éviter les « tu… »
Thom : oui, si c’est possible pour l’autre personne, cela peut aider. Cependant cela n’est pas toujours le cas. Et l’autre peut parfois sortir du cadre au bout d’un moment. Dans ces cas, cela aide d’avoir rempli son réservoir d’empathie avant, et d’essayer de rediriger la conversation dans le cadre au fur et à mesure.